Accélération du réchauffement climatique
Un chercheur du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (laboratoire sous tutelle notamment de l’Université du Littoral Côte d’Opale) est l’auteur principal d’un article scientifique portant sur une thématique majeure, à résonance mondiale, qui est celle du changement climatique. Ce thème constitue un aspect central de la démarche résolument environnementale de l’ULCO. A découvrir dans la revue Climate Research et avec comme premier auteur Grégory Beaugrand, Directeur de recherche au CNRS et membre du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (CNRS, Université du Littoral Côte d’Opale, Université de Lille, IRD), l’article Acceleration of changes in global surface temperature after the Earth system has crossed a tipping point* est le fruit d’une collaboration internationale avec The Marine Biological Association de Plymouth (Royaume-Uni) et le CNR de Lerisi (Italie).
Le communiqué de presse ci-dessous en vulgarise le contenu.
Depuis le milieu du XIXe siècle, la température de surface de la Terre mesurée à la fois sur les continents et les océans constitue l’indicateur principal du changement climatique. Cette température dépend de l’équilibre entre l’énergie solaire reçue et le rayonnement infrarouge renvoyé vers l’espace, de la variabilité naturelle du climat, des puits et sources de carbone terrestres et océaniques ainsi que des éruptions volcaniques majeures. Une nouvelle étude, conduite par le CNRS (Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences) et impliquant un laboratoire des sciences marines basé à Plymouth (MBA) et un autre basé à Lerici (CNR) en Italie, a analysé statistiquement les données d’anomalies des températures globales en utilisant analyses rétrospectives et indicateurs. Les résultats suggèrent que le système Terre a passé un point de bascule situé entre 1965 et 1977 et que notre système se dirige vers un nouvel équilibre dynamique. L’étude suggère que la transition climatique ne fait que commencer et que le réchauffement s’accélère, une accélération qui devrait se poursuivre au moins pour les décennies à venir, en particulier si rien n’est fait pour diminuer globalement et durablement les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette étude est publiée dans la revue ‘Climate Research’ le 11 septembre 2025.
Les chercheurs ont dans un premier temps analysé les données d’anomalies des températures de surface globales (GSTA, pour ‘Global Surface Température Anomalies), identifiant deux grandes phases de réchauffement : la première entre 1910 et 1945 et la seconde à partir de 1965. Puis ils ont montré le lien entre la variabilité résiduelle des GSTA et un indicateur El Niño/La Niña, montrant que l’oscillation météo-océanique a une influence sur le climat global. Ces premiers résultats sont parfaitement connus de la communauté scientifique.
Les chercheurs ont ensuite élaboré un modèle conceptuel basé sur l’équation de la croissance logistique pour mettre en place de nouveaux indicateurs (indicateurs basés sur la variance, l’autocorrélation et le rapport entre l’amplitude et la tendance linéaire des changements). Utilisés sur les données GSTA, les chercheurs suggèrent qu’un point de bascule a été passé il y a maintenant plusieurs décennies, indiquant cependant la difficulté méthodologique à précisément identifier l’année de basculement qu’ils situent entre 1965 et 1977.
Les autres indicateurs montrent très clairement une accélération régulière du réchauffement (Figure 1). En particulier, la tendance semble augmenter. De surcroit, leur nouvel indicateur, nommé indicateur H, lequel mesure l’amplitude c’est-à-dire la différence observée entre le maximum et le minimum des GSTA sur la tendance linéaire sur une période de 30 ans, montre une réduction régulière. Cet indicateur a atteint une valeur de 13 années dernièrement alors qu’il était en 1880–1909 de 70 années. Cela veut dire que tous les 13 ans, la tendance linéaire dépasse l’amplitude des GSTA observés sur une période de 30 ans. Il n’y a aucune indication que cette accélération soit passagère. De surcroît, les auteurs de l’étude indiquent même qu’au maximum de la transition H pourrait atteindre 3 ans, ce qui rendrait la transition climatique extrêmement sévère puisque tous les 3 ans la tendance linéaire sur 30 ans dépasserait l’amplitude observée sur cette même période. Un tel changement aurait des conséquences considérables sur les systèmes naturels et socio-économiques.
Cette dynamique, résumée graphiquement par la Figure 2, est cohérente avec d’autres signaux déjà observés : contenu thermique des océans, élévation du niveau de la mer, fonte des glaciers et diminution rapide de la cryosphère. Tous ces indicateurs confirment que le climat mondial s’oriente vers un nouvel équilibre dynamique, difficilement réversible à l’échelle de ce siècle. Le nouvel état d’équilibre dynamique reste inconnu et dépend largement des actions que l’humanité prendra pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Selon ces scientifiques, par ailleurs impliqués dans le rapport international sur les points de bascule dirigé par l’université d’Exeter et publié en 2023 (https://report-2023.global-tipping-points.org), sans une réduction rapide et durable des émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement devrait s’accélérer encore dans les prochaines décennies. Les chercheurs estiment qu’une telle trajectoire renforcerait les pressions sur la biodiversité, la santé humaine, les sociétés et les équilibres géopolitiques, avec des effets qui pourraient atteindre une ampleur inédite dans l’histoire récente de l’humanité.
*Accélération des changements de la température de surface mondiale après que le système terrestre a franchi un point de basculement.
Figures
Figure 1 | Changement à long-terme de deux indicateurs clefs : la tendance (en noir) et l’indice H (en rouge). La tendance est calculée par régression linéaire sur la période considérée. L’indice H est un indicateur qui mesure le nombre d’années nécessaire à la tendance linéaire pour dépasser l’amplitude (c’est-à-dire la différence de température observée) sur la période considérée. Ces indicateurs ont été calculés sur des périodes glissantes de 30 ans depuis 1880 (donc 1880-1909) jusqu’à 1993 (1993-2022).
Figure 2 | Changement à long-terme des anomalies de températures globales depuis 1880 et résumé graphique de l’étude indiquant le point de bascule (‘tipping point’) et l’accélération vers un nouvel équilibre dynamique (‘new state’), l’ensemble représentant la transition critique (‘catastrophic shift’). L’état actuel est indiqué en rouge (‘current state’).
Bibliographie
Acceleration of changes in global surface temperature after the Earth system has crossed a tipping point. Beaugrand G., Reid PC, Conversi A (2025). Climate Research, le 11 Septembre 2025. DOI : https://doi.org/10.3354/cr01756.
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